Le_livre_des_Baltimore_(Joël_Dicker)

Je m'assieds sur cette terrasse et je réfléchis. Et croyez-moi, c'est tout un travail. Vous, vous écrivez pour vous occuper l'esprit. C'est différent.

J'avais envie de retrouver mon oncle Saul, et il n'existait qu'un seul moyen pour y parvenir. L'écrire.

Je fis mine de retourner vers le bar. — J'ai laissé tomber la musique ! s'écria-t-elle dans un torrent de larmes. — Mais pourquoi? C'était ta passion. — Parce que personne ne croit en moi. — Moi, je crois en toi ! Elle essuya ses yeux d'un revers de la main. Sa voix tremblait. — C'est ton problème, Marcus : tu rêves. La vie n'est pas un rêve ! — On n'a qu'une vie, Alexandra ! Une seule petite vie de rien du tout ! N'as-tu pas envie de l'employer à réaliser tes rêves au lieu de moisir dans cette université stupide? Rêve, et rêve en grand ! Seuls survivent les rêves les plus grands. Les autres sont effacés par la pluie et balayés par le vent.

Depuis combien de temps n'as-tu pas célébré Thanksgiving? me demanda Oncle Saul. — Depuis le Drame. — Qu'est-ce que tu entends par le Drame? Je fus surpris par sa question. — Je parle de la mort de Woody et Hillel, répondis-je. — Arrête avec le Drame, Marcus. Il n'y a pas un Drame mais des drames. Le drame de ta tante, de tes cousins. Le drame de la vie. Il y a eu des drames, il y en aura d'autres et il faudra continuer à vivre malgré tout. Les drames sont inévitables. Ils n'ont pas beaucoup d'importance, au fond. Ce qui compte, c'est la façon dont on parvient à les surmonter. Tu ne surmontes pas ton drame en refusant de célébrer Thanksgiving. Au contraire, tu t'enfonces encore plus à l'intérieur. Il faut arrêter de faire ça, Marcus. Tu as une famille, tu as des amis. Je veux que tu recommences à fêter Thanksgiving. Promets-le-moi.

Beaucoup d'entre nous cherchons à donner du sens à nos vies, mais nos vies n'ont de sens que si nous sommes capables d'accomplir ces trois destinées : aimer, être aimé et savoir pardonner. Le reste n'est que du temps perdu. Surtout, continue d'écrire. Car tu avais raison : tout peut être réparé.

Pourquoi j'écris? Parce que les livres sont plus forts que la vie. Ils en sont la plus belle des revanches. Ils sont les témoins de l'inviolable muraille de notre esprit, de l'imprenable forteresse de notre mémoire.